« Il faut que vous compreniez, à propos de Richard. Il m’a toujours fait l’effet d’un poids plume, d’un être sans substance. (…), à part quelques moments de gloire à l’école secondaire sur le terrain de basket, il a glandé pendant presque toute sa vie, après deux ou trois échecs universitaires, il est passé d’un boulot sinistre à un autre, ne s’est jamais marié, n’est jamais vraiment devenu adulte. Un type plein de gentillesse, sûrement, mais creux, pas inspiré, avec une sorte de mollesse abrutie qui m’a toujours tapé sur les nerfs (…). En acceptant de dîner avec lui l’autre soir, je m’attendais à passer une soirée ennuyeuse, à devoir haler péniblement quelques heures de conversation embarrassée avant de me ruer vers la porte et de rentrer chez moi. Mais je me trompais. Je suis heureux de déclarer que je me trompais. Je trouve toujours stimulant de découvrir de nouveaux exemples de mes préjugés et de ma stupidité, de me rendre compte que je ne sais pas la moitié de ce que je crois savoir. »
Paul Auster, La nuit de l’oracle