De l’intérêt d’une traduction

Version Wikisource (Traduction de Ernest Charrière – 1859)

Heureux le voyageur qui, après de longues et ennuyeuses traites, les froids, les vents, les cahots, les éclaboussures de la route, les maîtres de poste mal réveillés, le tintement monotone des cloches[1], les réparations d’équipage, les querelles, les rouliers, les maréchaux-ferrants, les charrons et tous les mauvais drôles qui se rencontrent inévitablement à tous les relais, revoit enfin le toit de son séjour habituel ou temporaire, et la lumière qu’on apporte à sa descente de voiture, les chambres qu’il habite, l’air joyeux, les honnêtes salutations des serviteurs, les affectueuses paroles entrecoupées de chaudes embrassades de parents ou d’amis, qui semblent s’être donné le mot pour chasser en un instant de votre esprit tout souvenir attristant des circonstances de votre voyage. Heureux l’homme qui a une famille où il est impatiemment attendu ! mais malheur aux célibataires !

Version folio classique (Traduction de la Bibliothèque de la Pléiade – 1925)

Heureux le voyageur qui, après de longues traites dans le vent, la pluie, la boue, obsédé par le tintement des grelots, les réparations, les continuelles prises de bec avec la racaille des grands routes – postillons, maréchaux-ferrants, maîtres de poste endormis et tutti quanti, – revoit enfin son toit et connaît le réconfort d’un chaleureux accueil : cris joyeux des gens accourus, lumière en main, à sa rencontre ; turbulentes allées et venues des enfants ; doux propos, entremêlés d’ardentes étreintes susceptibles de bannir tout chagrin de la mémoire! Heureux le père de famille, mais malheur au célibataire !

Nicolas Gogol, Les âmes mortes

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